Professeur Brehima KOUMARE: le parcours d’un géant de la profession pharmaceutique au Mali. |
Écrit par Dr Soumaïla COUMARE |
Vendredi, 13 Février 2015 19:41 |
Dans le souci de faire sortir de l’ombre, ceux qui ont marqué d’une empreinte indélébile l’histoire de la profession pharmaceutique au Mali, voire au-delà, votre site se propose de leur consacrer une nouvelle rubrique dénommée Portrait de pharmacien. Ce n’est que justice pour ces hommes et ces femmes qui ont choisi, pour la plupart, la discrétion et l’anonymat mais, qui sont sans nul doute de grands scientifiques avec des qualités humaines incontestables. Nous nous intéressons aujourd’hui à notre Maître, le Professeur Bréhima KOUMARE qui a impressionné des générations de médecins et pharmaciens africains, au niveau de la Faculté de Médecine de Pharmacie et... d’Odontostomatologie (FMPOS), par son immense talent pédagogique, ses qualités humaines et sa grande maîtrise des sciences pharmaceutiques. Cursus universitaire Ce Professeur de Microbiologie (Bactériologie et virologie) a derrière lui 42 ans d’expérience en microbiologie et, une expertise confirmée en immunologie, en parasitologie, en épidémiologie et en génétique. Pour vous en convaincre, jetons ensemble un regard rétrospectif sur son cursus universitaire: Le Pr Bréhima KOUMARE fut interne des hôpitaux de Dakar (reçu 1er) en 1971 à la Faculté mixte de Médecine et Pharmacie à l’Université de Dakar au Sénégal, où il obtint également son doctorat en pharmacie en 1972 ; En 1973, il obtient un Certificat en génétique à la Faculté des Sciences Jussieu de Paris en France et, un Master de Microbiologie (Bactériologie et Virologie Systématiques) à la Faculté de Médecine de Paris ; De 1973 à 1978 il fit son Ph. D. à la Faculté de Pharmacie-Institut Pasteur de Paris avec un Doctorat d’Etat es Sciences Pharmaceutiques à la clé, sur le Bacille de la tuberculose où il découvrit le caractère inductible de la nitrate réductase des Mycobactéries. En 1974, il fit un plein de certificats à la Faculté de Pharmacie de Paris avec un Certificat d’Etudes Supérieures de Parasitologie, un Certificat d’Etudes Spéciales de Diagnostic Biologique Parasitaire, un Certificat d’Etudes Supérieures de Bactériologie et Virologie et enfin un Certificat d’Etudes Spéciales de Bactériologie et Virologie Cliniques; De 1976 à 1977, il décrocha un Diplôme de Microbiologie générale (Bactériologie et Virologie) à l’Institut Pasteur de Paris en France ; Entre 1978 et 1981, c’est la cerise su le gâteau, il est consacré Professeur en Microbiologie Médicale (Bactériologie et Virologie) à la Faculté de Médecine de Paris en France ; Mais, ce n’est pas tout car, il obtint en 1983 un certificat en immunologie à l’Institut Suisse de Recherche sur le Cancer de Lausanne ; En 1986, il clôtura ce long cursus universitaire par un diplôme en épidémiologie à l’Ecole de Santé Publique Erasme à l’Université Libre de Bruxelles.
Carrière professionnelle Sur le plan international, le Pr Bréhima KOUMARE a été de septembre 1997 à janvier 2009 fonctionnaire de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) où il exerça les fonctions d’Expert en laboratoire, de chef d’équipe sous régionale pour la surveillance et la lutte contre les épidémies en Afrique de l’Ouest et Directeur du Centre de surveillance pluri pathologique. Ainsi il assura pour tous les pays du bloc de l’Afrique de l’ouest l’évaluation des systèmes nationaux de laboratoire, la formation et la supervision du personnel, la mise en place des réseaux nationaux de laboratoire, la mise œuvre des schémas d’assurance de qualité, l’approvisionnement en réactifs et consommables, la collecte et la diffusion des données de laboratoire pour la surveillance épidémiologique ; il a écrit un manuel de techniques de laboratoire pour la confirmation des épidémies. Au cours de l’épidémie de méningite cérébrospinale survenue au Burkina Faso en 2002, il a découvert la souche responsable, Neisseria meningitidis sérogroupe W135 (article: vaccine 25S(2007)A37-41).; cette découverte a permis aux autorités sanitaires d’arrêter la vaccination avec le vaccin antiméningococcique A+C inactif sur ce germe qui pour la première fois fut a l’origine d’une grosse épidémie dans le monde ; ceci permit une grande économie de ressources pour le pays. Ce fut l’occasion de produire par une firme pharmaceutique un vaccin trivalent ACW135 pour les épidémies de méningite ; les données collectées sur les épidémies de méningites en Afrique ont été à l’origine de la production du nouveau vaccin conjugué A (MenAfrivac). Il fut consultant pour de nombreux pays : Sierra Leone, Gambie, Cote d’Ivoire, RDC, Cameroun, RCA, Mali, Erythrée, Burkina Faso, Sénégal et pour des organismes divers tels que la Banque Mondiale, l’Agence française de développement, la Fondation Mérieux, l’American Society for Microbiology, l’American Association for Public Health Laboratory, OMS, les Centers for Disease Control, L’USAID, le Partnership for Appropriate Technology in Health. Au plan national : - Il fut nommé en janvier 1987 Directeur de Recherche par le Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique - De 2004 à 2006, il dirigea le Cours d’Epidémiologie Appliquée pour Cadres Supérieurs de la santé organisé par l’OMS au Mali; chaque année, ce cours produisait pour la région africaine 25 à 30 médecins épidémiologistes bien formés pour résoudre les problèmes de santé publique en Afrique. -De 1978 à 1997, le Pr Bréhima KOUMARE fut Chef du Service de Bactériologie Virologie à l’Institut National de Recherche en Santé Publique (INRSP) ; il créa au sein de son service, le Laboratoire National de Référence de la tuberculose avec l’appui de l’Union Internationale de Lutte contre la tuberculose et les Maladies Respiratoires ; dans ce laboratoire, il commença pour la première fois au Mali, la culture et les tests de sensibilité du Bacille tuberculeux. Il fut également, le Chef du Réseau National de dépistage de la tuberculose (formation et supervision des laboratoires des régions et des districts pour le dépistage par bacilloscopie de la tuberculose) En 1989, en collaboration avec l’Institut Max Planck de Génétique Moléculaire de Berlin (Dr Mark Achtman), il créa le Laboratoire d’Epidémiologie moléculaire de la Méningite. Les travaux menés dans ce laboratoire entre 1989 et 1997 ont permis la découverte d’un nouveau variant (qu’ils ont appelé P1.5y) de la protéine de membrane externe de classe 1(P1) (Koumaré B, Achtman M et al.: Bull WHO;74(4):375-379) ; cette protéine suscite la production d’anticorps protecteurs et constitue un candidat vaccin contre la méningite à méningocoque. Dans ce laboratoire, il a découvert le germe responsable de l’épidémie de méningite survenue au Mali en 1994-1995 : Neisseria meningitidis A clone III-1 introduit pour la première fois en Afrique à partir du Népal via la Mecque. Ce nouveau clone a provoqué une épidémie au Tchad et au Soudan en 1988 ; il s’est ensuite propagé dans le reste de l’Afrique et a atteint le Mali en 1994. (Koumaré et al.:Mali Médical; 11(1 § 2):34-35.). A son retour au Mali après l’OMS, il a intégré la Faculté de Médecine et Pharmacie et l’INRSP ou il a rempli les fonctions de Conseiller du Directeur de 2009 à 2012. Au cours de cette période, il a réalisé une évaluation du système national de laboratoires du Mali et élaboré la politique nationale des laboratoires et le Plan stratégique pour le développement des services de laboratoire. Ces deux documents ont reçu la validation technique du Ministère de la santé ; ils attendent d’être adoptés et mis en œuvre. Au niveau de la faculté, il fut chef du Département d’Enseignement et de Recherche des Sciences Fondamentales de janvier 1979 à avril 1992, Professeur de Microbiologie Médicale de 1978 à 1997 et depuis 2009 après son retour de l’OMS. En 1996, il est désigné membre de l’Académie des Sciences de New York En 1997 il fut élu Président de la Société Africaine de Microbiologie par ses pairs africains En 2010, il fut Membre de la Société Africaine de Médecine de Laboratoire (African Society for Laboratory Medicine,ASLM) En France, Il a été Assistant dans le Service de Bactériologie Virologie Hygiène de l’Hôpital Henri Mondor, Créteil, Paris-Val de Marne (Professeur J. Duval). Les publications Le Pr KOUMARE a, à son actif, plus de 100 publications dans le domaine de la Microbiologie (sur la tuberculose et d’autres maladies bactériennes et virales), de l’immunologie et de la santé publique. Avouons qu’un tel parcours force le respect. Dans le cadre du présent article, nous avons interviewé le Pr Bréhima KOUMARE pour avoir ses impressions sur la profession pharmaceutique en général, les Etats Généraux de la pharmacie au Mali dont il a dirigé les travaux en décembre 2011 et le Forum Pharmaceutique International Bamako 2015 dont il préside la commission scientifique. Le Pr KOUMARE voit la situation en claire-obscure, Il assure que beaucoup de pharmaciens sont respectueux de leur serment, ils honorent leurs maîtres et son restés fidèles à leur enseignement mais, pour une partie aussi des pharmaciens il y a des efforts à faire. Les Etats Généraux ont formulé des recommandations pertinentes dont la mise en œuvre va certainement améliorer la santé de nos populations, il a seulement regretté le manque de suivi de ses recommandations car, le comité mis en place pour ce faire ne s’est réuni que deux ou trois fois. Le Forum Pharmaceutique International va regrouper en juin prochain dix-sept (17) pays africains et, certains pays invités comme la France, la Belgique, le Canada et l’Haïti ont déjà confirmé leur participation. Le Pr Bréhima KOUMARE souhaite que de ces assises, vont sortir des solutions pour soulager nos populations en terme d’accès à des produits de santé de qualité. La santé est un droit universel inaliénable pour nos populations a-t-il rappelé. Conformément à ses vœux nous avons voulu être brefs mais, ce n’est pas facile. Lors de l’entretien nous avons été frappé, comme toujours, par la simplicité et la courtoisie de l’homme et surtout, par ces grandes compétences scientifiques. Nous tenions ici à le remercier pour la grande qualité de ses cours magistraux reçus tout au long de notre formation à la FMPOS. |